8.1 Le ralentissement des marchés du travail se poursuit
Les tensions sur les marchés du travail avaient fortement augmenté à la suite des déconfinements, atteignant un pic en 2022. Le choc sur les prix de l’énergie résultant de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, combiné à une ré-orientation des banques centrales vers une politique monétaire restrictive, avaient fortement réduit la demande de travail. On observe ainsi un ralentissement des créations nettes d’emploi depuis 2022 dans la zone euro et aux Etats-Unis (graphique 8.1), tandis que l’emploi accélérait au Royaume-Uni- malgré un dernier trimestre 2024 moins dynamique - et au Japon. Dans le cas des Etats-Unis, la très forte croissance visible en 2022 s’explique en grande partie par un rattrapage des pertes qui s’étaient réalisées en 2020, le niveau du dernier trimestre 2019 n’ayant été atteint qu’au deuxième trimestre 2023. Au quatrième trimestre 2024, l’économie américaine a même détruit des emplois (-0,1%).
8.2 En 2024, des trajectoires de croissance et de productivité contrastées
Une forte hétérogénéité, en termes des trajectoires de croissance du PIB et de la productivité, est toutefois visible sur entre les derniers trimestres de 2023 et 20241. Les Etats-Unis ont connu une progression du PIB (+3,5%) supérieure à celle de la productivité par tête (+3%), tandis que la population active augmentait légèrement (+0,2%) : on s’attendrait donc à une légère baisse du taux de chômage américain, aux différences de mesures près entre les enquêtes emploi et les comptes nationaux (tableau 8.1)2. Dans son ensemble, la zone euro présente une population active plus dynamique (+0,5%), mais un écart plus élevé entre les taux de croissance du PIB et de la productivité (+1,2% et +0,4%), qui mène donc à une baisse plus importante du taux de chômage. Dans le cas du Royaume-Uni, l’accroissement considérable de la population active (+1,6%) a été accompagnée par une croissance du PIB comparable (+1,5%), mais sans gains de productivité.
1 La productivité du travail considérée ici consiste en le ratio du PIB et de l’emploi total (tous secteurs, salariés et non-salariés) tels que mesurés par les comptes nationaux.
2 Les enquêtes emploi indiquent d’ailleurs une hausse du taux de chômage sur la même période, de 3,8% à 4,2%.
Population active | Productivité par tête | PIB |
|
---|---|---|---|
Allemagne | 0.6 | −0.1 | −0.2 |
Espagne | 0.5 | 1.4 | 3.5 |
France | 0.9 | 0.3 | 0.6 |
Italie | −0.9 | −0.5 | 0.6 |
Zone euro | 0.5 | 0.4 | 1.2 |
Japon | 0.6 | 0.5 | 1.2 |
Royaume-Uni | 1.6 | 0.0 | 1.5 |
États-Unis | 0.2 | 2.0 | 2.5 |
Notes: Evolution sur un an entre le T4 2023 et T4 2024. La productivité apparente du travail est calculée comme le ratio du PIB à l’emploi total, tels que mesurés par les comptes nationaux. Sources: OCDE, calculs OFCE. |
Au sein de la zone euro, des différences importantes sont visibles entre les quatre plus grandes économies. L’Espagne affiche une croissance de la population active comparable à celle de la zone euro (+0,5%), avec toutefois des taux de croissance du PIB et de la productivité très élevés (+3,5%, +3%). En comparaison, l’Italie a également connu une forte baisse du taux de chômage (-1,2 point de pourcentage, contre -1,7 ; c.f. graphique 8.2) mais alors que la population active accusait un recul franc (-0.9%) et que la productivité déclinait (-0,5%). En France, le taux de chômage a légèrement baissé dans un contexte où la croissance du PIB (+0,6%) et de la productivité (+0,5%) a été modeste ; enfin, dans le cas allemand, une légère hausse du taux de chômage s’est produite en 2024 (+0,3 point), les performances en termes de productivité s’étant avérées presque aussi mauvaises que l’évolution du PIB (respectivement -0,1% et -0,2%).
8.3 Les cycles de productivité se referment en Europe et aux Etats-Unis
En prévision, les écarts à la tendance de productivité qui se sont creusés sur la période récente devraient être réduits. Au sein de la zone euro, cela induirait donc une hausse du taux de chômage en Allemagne, en France, et en Italie ; cette hausse serait d’autant plus forte en France étant donné que la croissance du PIB prévue y est inférieure au potentiel, et que l’écart à la tendance de productivité qui s’est creusé depuis 2019 y est important. La stagnation de la population active allemande ainsi qu’un retour de la croissance en 2026 limiteraient l’impact de la correction du cycle sur le taux de chômage allemand. Dans le cas de l’Italie, la faiblesse des gains de productivité tendanciels et l’accroissement modeste de la population active donneraient là aussi lieu à une hausse relativement faible du taux de chômage. Aux Etats-Unis, la croissance de la productivité du travail avait avait été supérieure à sa tendance au cours des dernières années. En prévision, cette surperformance devrait se résorber, traduisant davantage de créations d’emplois pour un taux de croissance donné ; néanmoins, l’ampleur du choc négatif sur la croissance du PIB verrait le taux de chômage augmenter de 0,8 point de pourcentage. Enfin, la hausse du taux de chômage britannique serait avant tout le résultat d’une croissance du PIB inférieure à son potentiel.